Budget 2025-2026 à Maurice : entre envies d’innovation et prudence fiscale

Présenté comme un outil de transformation économique, le nouveau budget pose les bases d’un modèle tourné vers la recherche, la digitalisation et la soutenabilité. Mais son impact dépendra entièrement de sa mise en œuvre concrète. C&S Secretarial Services revient sur les principaux points à retenir.

Un budget très attendu, dans un contexte de transition politique

Le Budget national 2025-2026 intervient à un moment clé : il s’agit du premier budget de l’administration élue début 2025, après une période de flottement marquée par une transition gouvernementale lente et une reprise économique timide. Les attentes sont fortes, aussi bien du côté des milieux économiques que de l’opposition, qui demandent un cap clair pour redynamiser l’économie et concrétiser les promesses faites durant la campagne électorale.

Pour mieux comprendre les évolutions juridiques et fiscales récentes, voir notre article sur le capital autorisé à Maurice.

L’année précédente a été marquée par une progression du PIB de 4,7 %, portée principalement par la construction, les services financiers et le secteur touristique. En parallèle, des tensions persistent : l’inflation reste autour de 3,8 %, le chômage ne recule pas de manière concrète (environ 6 %) et l’endettement public continue de grimper, atteignant près de 90 % du PIB. Le budget devait donc répondre à un double impératif : accélérer la croissance tout en assurant une gestion rigoureuse des finances publiques.

« Innovative Mauritius » : une ambition affirmée avec des contours encore flous

L’orientation stratégique du budget repose sur le concept d’un “Maurice innovant”, structuré autour de quatre axes majeurs :

  1. Renforcer les capacités en recherche et développement ;
  2. Encourager la valorisation des déchets via une logique d’économie circulaire ;
  3. Exploiter les ressources marines au travers d’une stratégie « Blue Ocean » ;
  4. Développer des synergies économiques via les accords de partenariat internationaux.

Cependant, l’analyse proposée par certains spécialistes souligne un manque de précision dans les mécanismes concrets de mise en œuvre. Ces piliers sont pertinents, mais sans dispositifs concrets de suivi, ils risquent de rester théoriques. La réussite dépendra de la capacité des autorités à mettre en place un dispositif opérationnel solide, doté des ressources et outils nécessaires.

Redistribution des ressources économiques

Le tissu économique mauricien concentre encore une grande part de sa main-d’œuvre dans l’administration publique et l’industrie manufacturière, deux secteurs qui peinent à générer une croissance soutenue. À l’inverse, des filières à fort potentiel comme les technologies de l’information ou le tourisme restent marginales en termes d’emplois.

Le gouvernement souhaite modifier cette répartition en stimulant l’emploi dans les filières à haute valeur ajoutée, notamment grâce à des réformes du marché du travail et une numérisation croissante des services publics. La révision du cadre lié aux permis de travail pour les étrangers, visant à simplifier et accélérer les procédures, va également dans ce sens.

Pour les experts, ces intentions sont pertinentes mais leur impact dépendra fortement de l’exécution. Le secteur public, en particulier, doit opérer un saut qualitatif pour devenir plus performant, ce qui suppose une digitalisation ambitieuse et coordonnée.

Discipline budgétaire : un ajustement modéré, sans rupture

Le déficit public dépasse actuellement 9 % du produit intérieur brut. Bien que le budget reconnaisse le poids croissant de certaines dépenses sociales (comme les allocations ou les pensions), il choisit une suppression étalée dans le temps, entre trois et cinq ans. Parallèlement, les dépenses récurrentes devraient croître de 4 % sur l’année à venir.

Pour financer cet équilibre fragile, l’État mise notamment sur une progression des recettes fiscales (+10 %) et sur une injection ponctuelle de Rs 10 milliards en provenance de l’accord sur les Chagos. D’après les spécialistes, cette trajectoire traduit une forme de prudence fiscale : peu de réformes structurelles, et un report des efforts à moyen terme. En pratique, c’est le secteur privé qui devra absorber l’essentiel de l’ajustement budgétaire.

Fiscalité : répartition équitable ou risque de découragement ?

Le budget introduit plusieurs nouvelles mesures fiscales : une contribution additionnelle sur les hauts revenus et les grandes sociétés, un impôt minimum dans certains secteurs d’activité, et une fiscalité renforcée sur les plus-values foncières des non-résidents. Des ajustements sont également apportés sur les structures opérant à l’international.

À l’inverse, certains dispositifs d’incitation économique comme les avantages fiscaux du Smart City Scheme disparaissent. Selon les experts, ces évolutions pourraient altérer l’image de Maurice comme plateforme d’investissement compétitive. Une stratégie fiscale équilibrée devrait à la fois favoriser l’équité et soutenir les initiatives entrepreneuriales, en particulier dans les domaines innovants.

Infrastructures : un programme ambitieux, encore trop étatique

Le budget prévoit des investissements massifs dans les infrastructures (Rs 180 milliards sur cinq ans), principalement centrés sur les routes et la gestion de l’eau. Toutefois, la contribution du secteur privé reste limitée, alors que le recours aux partenariats public-privé (PPP) pourrait multiplier l’impact économique des projets.

À titre d’exemple, un budget de Rs 5,4 milliards prévu pour le développement portuaire aurait pu générer des effets bien plus importants s’il avait été complété par des financements privés. Les spécialistes estiment que la mise en œuvre de projets en PPP permettrait de créer plus de valeur économique pour le pays, tout en allégeant la pression sur les finances publiques.

Bilan global : équilibre fragile, mesures prometteuses, mais incomplètes

ThématiqueAvancées notablesLimites identifiées
Vision stratégiqueNouvelle orientation autour de l’innovationFaible articulation entre stratégie et exécution
Réformes du travail et de l’administrationVolonté de transformation numérique et de mobilité des talentsComplexité de mise en œuvre, lenteur de déploiement
Maîtrise des dépensesPrise de conscience des limites budgétairesMaintien d’un déficit élevé, absence de réformes fortes
FiscalitéIntroduction d’outils redistributifsRisque de perte d’attractivité pour les investissements étrangers
InvestissementsAmbition infrastructurelle affirméeFaible implication du secteur privé, manque d’ouverture aux PPP

Les axes de renforcement proposés

Pour renforcer la portée de ce budget, plusieurs pistes d’action émergent :

  • Définir une feuille de route claire pour la vision « Innovative Mauritius », avec des indicateurs de performance mesurables.
  • Accélérer la transformation digitale des institutions publiques par des moyens concrets et mesurables.
  • Repenser le modèle fiscal afin de trouver un juste équilibre entre équité sociale et incitation à l’investissement.
  • Moderniser le traitement des permis de travail pour les expatriés, en misant sur la simplification et la transparence.
  • Déployer une stratégie proactive pour impliquer les investisseurs privés dans les projets d’infrastructure, notamment via les PPP.

Conclusion : un cadre posé, mais tout reste à faire

Le Budget 2025-2026 marque une étape dans la recomposition de l’économie mauricienne. Il contient des intentions structurantes, notamment en matière d’innovation, de justice fiscale et de durabilité. Mais sa réussite dépendra entièrement de la volonté politique et administrative de mettre en œuvre ces mesures efficacement.

L’avenir dira si cette édition budgétaire marquera un tournant ou s’il s’agit d’une transition prudente en attendant des réformes plus profondes. Pour cela, l’implication du secteur privé, l’efficacité institutionnelle et le pilotage stratégique seront les trois clés du succès.

Source de cet article :

National Budget 2025 – 2026 – Our Opinion

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